De tous les aspects qui continuent d’engendrer des lacunes dans la prise
en charge de nouveau-nés, la formation est perçue comme un casse-tête
par la tutelle.
Onze ans après la parution sur le Journal officiel du décret exécutif
n°05-438 du 10 novembre 2005, relatif à l’organisation et à l’exercice
de la périnatalité et de la néonatologie en Algérie, des défaillances
persistent à tous les niveaux. Il a fallu attendre toutes ces années
pour que l’Etat algérien, qui a pourtant investi des milliards de dinars
dans la réalisation des infrastructures de santé, s’en aperçoive.
En l’absence d’une véritable stratégie de santé établie à court, moyen
et long termes, les problèmes n’ont pas tardé à monter en surface. Les
responsables de la santé se sont rendu compte qu’entre la législation et
la réalité du terrain, il y a tout un monde.
C’est dans ce contexte que le ministère de tutelle vient d’initier un
«plan national de réduction accélérée de la mortalité néonatale»,
élaboré en collaboration avec l’Unicef, pour une mise à niveau des
établissements de santé, conformément aux normes internationales. C’est
aussi un recours forcé à l’expérience des experts de cette organisation
pour réduire les mortalités qui semblent avoir atteint un seuil
alarmant, en l’absence de statistiques officielles fiables, qu’on refuse
souvent de communiquer, pour masquer l’échec du système de santé en
Algérie.
Le thème a réuni, hier, tous les acteurs concernés dans la région est
(sages-femmes, gynécologues-obstétriciens, pédiatres et responsables des
hôpitaux et des DSP) pour un séminaire-atelier abrité par le Novotel de
Constantine, encadré par le professeur Djamil Lebane, chef de service
de néonatologie du CHU Mustapha d’Alger, et le professeur
Jean-Christophe Roze, représentant de l’Unicef.
Parmi les faits saillants qui ont focalisé des débats très instructifs,
on notera surtout le problème du manque de personnel, soulevé par tous
les intervenants. «Comment peut-on s’occuper convenablement des
nouveau-nés et des bébés souffrants, si on se trouve confrontées au
quotidien à une surcharge énorme avec 80 naissances et un service géré
par trois sages-femmes, sans gynécologue ; et finalement ce sont les
sages-femmes qui se retrouvent incriminées en cas de problème», fera
remarquer une sage-femme de Sétif.
Partageant largement cet avis, les nombreuses sages-femmes présentes à
ce séminaire ont évoqué la contrainte du matériel souvent manquant ou
inutilisé, faute de maîtrise de son fonctionnement. La question de la
mise à niveau des salles de naissance a suscité des commentaires,
surtout qu’un déficit de moyens se pose avec acuité dans les structures
de proximité, notamment celles se trouvant en milieu rural.
La formation, le talon d’Achille
De tous les aspects qui continuent de causer des dégâts dans la prise en
charge de nouveau-nés, celui de la formation est perçu comme un
véritable casse-tête par la tutelle. «Nous avons un énorme problème de
formation qui demeure un grand obstacle pour améliorer les soins en
néonatologie», souligne le professeur Lebane. La problématique se pose
déjà au niveau du cursus des futurs médecins, où la néonatologie est
encore absente des programmes.
«Nous avons proposé d’inclure une année de néonatologie, et donner la
possibilité aux futurs médecins de s’y spécialiser en leur assurant
l’encadrement nécessaire. Nous avons un important retard en matière de
spécialistes en néonatologie», poursuit-il. Ce même problème a été
également évoqué par les sages-femmes, qui ont réclamé des cycles de
formation continue, notamment pour les gestes de secourisme néonatal qui
peuvent sauver des bébés en difficulté.
Très attentif aux propositions des intervenants, le Pr Jean-Christophe
Roze ira tout droit vers les choses les plus concrètes. «Il faut surtout
développer les aspects organisationnels au sein du service, en classant
les priorités pour sauver des nouveau-nés, et éviter de tomber dans les
futilités en prenant des décisions hâtives qui risquent de mettre en
péril la vie des parturientes», insiste-t-il.
Profitant de cette rencontre, le Pr Lebane a présenté les résultats très
encourageants d’une expérience menée au CHU Mustapha, appelée la
méthode Kangourou, qui a connu un réel succès dans certains pays. A
travers cette technique simple et efficace, qui consiste à mettre le
bébé peau contre peau avec sa mère en H24, tout en lui assurant
l’allaitement et les soins, le Pr Lebane a démontré qu’il est possible
de sauver les bébés prématurés sans recourir aux gros moyens. «Et
pourquoi ne pas ouvrir des unités Kangourou dans les services de
néonatologie des CHU en Algérie», lance-t-il. Ce qui a été déjà fait en
France.
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Des défaillances à tous les niveaux
Des défaillances à tous les niveaux
By Ph. BENYAHIA Adel décembre 23, 2016