La phagothérapie, stratégie qui mobilise les virus naturellement hébergés par l'organisme contre les infections bactériennes, connaît un regain d'intérêt à la faveur d'une résistance aux antibiotiques de plus en plus menaçante.
PHAGOTHÉRAPIE.
Après 49 interventions et une infection nosocomiale résistante aux
traitements qui ne lui laissait que l'amputation comme perspective,
Christophe a réussi à sauver sa jambe grâce à une méthode oubliée depuis
l'avènement des antibiotiques : le recours à des virus mangeurs de
bactéries. Pour aboutir à ce résultat, Christophe Novou, dit Picot, 47
ans, a dû se rendre en Géorgie, l'un des très rares pays de l'ex-bloc
soviétique où la phagothérapie est encore proposée.
Une parade contre la résistance aux antibiotiques ?
Depuis
une quinzaine d'années, cette thérapie ancienne fait pourtant l'objet
d'un regain d'intérêt dans des pays comme les Etats-Unis, la Belgique ou
la France, parallèlement au développement de l'antibiorésistance,
c'est-à-dire la résistance croissante des microbes aux antibiotiques, un
défi à l'échelle de la planète. En novembre 2015, l'Organisation
mondiale de la santé (OMS) a averti que si rien n'était fait pour éviter
le mauvais usage des antibiotiques ou trouver de nouvelles molécules,
le monde allait se diriger vers "une ère post-antibiotique, dans lequel les infections courantes pourront recommencer à tuer".
"La
phagothérapie pourrait être utilisée dans les infections qui touchent
les os et les articulations, mais également dans d'autres infections,
urinaires, pulmonaires, oculaires", relève le Dr Alain Dublanchet,
l'un des pionniers de la réintroduction de cette thérapie en France qui a
participé à un colloque sur ce thème le 18 février 2016 à Paris.
Qu'est-ce que la phagothérapie ?
Découverte pendant la Première Guerre mondiale et développée dans les années 1920 et 1930, la phagothérapie est fondée sur l'utilisation de virus mangeurs de bactéries (ou phages) qu'on trouve en très grande quantité dans la nature (eaux usées notamment) ou dans le corps humain (dans l'intestin par exemple). Ces virus ont une activité plus limitée que les antibiotiques, ne détruisant que certaines souches d'une bactérie, mais ne provoquent pratiquement jamais d'effets secondaires graves dans l'organisme soigné, indique le Dr Dublanchet qui précise avoir "guéri" une quinzaine de patients au total ces dernières années. Le traitement est généralement court (deux à trois semaines) et nettement moins onéreux que les antibiotiques.
Découverte pendant la Première Guerre mondiale et développée dans les années 1920 et 1930, la phagothérapie est fondée sur l'utilisation de virus mangeurs de bactéries (ou phages) qu'on trouve en très grande quantité dans la nature (eaux usées notamment) ou dans le corps humain (dans l'intestin par exemple). Ces virus ont une activité plus limitée que les antibiotiques, ne détruisant que certaines souches d'une bactérie, mais ne provoquent pratiquement jamais d'effets secondaires graves dans l'organisme soigné, indique le Dr Dublanchet qui précise avoir "guéri" une quinzaine de patients au total ces dernières années. Le traitement est généralement court (deux à trois semaines) et nettement moins onéreux que les antibiotiques.
Les grands labos peu intéressés par une méthode "non brevetable"
Mais
le développement de la phagothérapie se heurte au manque d'intérêt des
grands laboratoires parce que les phages sont issus de la nature et donc
"non brevetables". "Les laboratoires ont abandonné ce centre d'intérêt parce que le retour sur investissement est jugé trop faible", note l'infectiologue Jean Carlet, consultant à l'OMS.
Quelques
start-up commencent néanmoins à s'intéresser à ces bactériophages,
classés comme des médicaments par l'Union Européenne (UE) depuis
2011. Mais aucun phage n'est encore autorisé chez l'homme en raison
notamment de la nécessité de procéder à des essais cliniques "qui peuvent prendre de nombreuses années et qui coûtent cher",
rappelle le Dr Jean-Paul Pirnay, de l'hôpital militaire Reine-Astrid à
Bruxelles, l'un des rares hôpitaux qui travaille sur la phagothérapie en
dehors de l'ex-bloc soviétique. Du côté des Etats-Unis, les seuls
phages commercialisés actuellement sont destinés à protéger les aliments
contre des infections bactériennes.
L'UE a lancé en 2013 un premier projet dans ce domaine, baptisé "Phagoburn" pour tester des phages contre des bactéries résistantes
s'attaquant aux plaies de grands brûlés. Au total, 12 patients recrutés
en France, en Belgique et en Suisse doivent participer à l'essai. Sans
attendre les résultats de l'essai, l'Agence nationale de sécurité du
médicament (ANSM) a donné sa première autorisation de traitement à titre
compassionnel en novembre 2015 pour un brûlé grave.
Des autorisations temporaires d'utilisation (ATU) pourraient également à l'avenir être accordées à des groupes de patients "à condition d'avoir un produit de qualité et une présomption d'efficacité", précise Caroline Semaille de l'ANSM.
Associer antibiothérapie et phagothérapie
"Si je ne m'étais pas battu, je ne serai plus là",
note de son côté Christophe Novou qui a déboursé environ 8.000 euros au
total en 2013 pour se faire soigner à Tbilissi. Des dizaines, voire des
centaines d'autres Français, ont eux aussi tenté leur chance. "La plupart sont revenus améliorés, mais il faut souvent faire de la chirurgie", précise le Dr Dublanchet. Pour l'infectiologue, aujourd'hui à la retraite, "il n'est pas question de remplacer l'antibiothérapie par la phagothérapie mais de les associer".
Il plaide également pour la prudence en ce qui concerne l'impact
éventuel d'une phagothérapie à grande échelle sur l'environnement. "On risque de changer l'environnement global de la chaîne de la vie", avertit-il.