On ignore leur nombre exact, mais ils sont nombreux ces enfants qui souffrent dans l’indifférence de pathologies rares. A l’occasion de la Journée internationale, célébrée mercredi dernier, les parents d’enfants atteints de maladies rares crient à «l’abandon». Débrief.
«Bonjour, bienvenu dans mon association. Vous savez, j’ai un compte Facebook, je vais vous envoyer une demande d’ajout». Hsisine, debout derrière l’administratrice, est en train de l’aider à copier des documents et répertorier certains dossiers. A l’association El Moustakbel, on l’appelle «El moudir». Car, en réalité, le siège de l’association lui appartient. Il lui a été offert par un bienfaiteur. Hsisine est atteint de la maladie d’Hellerman Streif François. C’est un syndrome rare.
Petit de taille, maigre, des mains extrêmement fines, petit visage, portant des lunettes de vue. Il donne l’impression qu’il a seulement 8 ans. Mais Hsisine a réellement 18 ans. Moins de 100 cas ont été décrits à ce jour dans le monde, la majorité des cas étant sporadique. Les bases génétiques de la maladie sont inconnues. En Algérie, on ignore encore le nombre de cas. Le syndrome est caractérisé par un visage typique avec nez en bec et hypoplasie de la mandibule, une petite taille harmonieuse, une hypotrichose, une microphtalmie avec cataracte congénitale, une hypoplasie des clavicules et des côtes.
Environ 15% des patients ont un déficit intellectuel. On peut voir la présence de dents néonatales. Mardi, l’Algérie à l’instar des pays du monde a «célébré» la journée internationale de maladies rares. Mais ce sont particulièrement les associations qui ont voulu marquer l’événement. L’association El Moustakbel, Adem et Shiffa tentent encore de sensibiliser les pouvoirs publics sur la nécessité d’établir un diagnostic, et effectuer de la recherche sur ces maladies rares afin de fournir aux patients les solutions.
Même si le président de l’association El Moustakbel, Mouloud Moutchou, affirme qu’«aucune institution n’est encore capable de donner des statistiques fiables sur les enfants atteints de ces maladies, à cause de l’absence de diagnostic régulier et permanent, certaines données avancées par des spécialistes évoquent un chiffre de plus de 2,5 millions de personnes souffrantes». 75% de ces maladies touchent les enfants, mais, précision utile, elles peuvent survenir à n’importe quel âge, même adulte.
Pour les associations Adem et Shifa, le slogan de cette année, la 10e année consécutive, est «Avec la recherche les possibilités sont illimités». L’espoir des parents, aujourd’hui, réside, particulièrement, dans l’avancée dans le diagnostic. Depuis 2005, des milliers de cas sont diagnostiqués. Un laboratoire de diagnostic a été mis sur pied grâce au professeur en biochimie et en génétique, Belaïd Immesoudène.
De quoi souffre mon fils ?
Ce professeur nous raconte aujourd’hui ces parents désemparés qui ignoraient de quoi souffraient leurs enfants. Il se souvient de ce père qui lui a demandé: «Docteur, dites-moi de quoi souffre mon fils. Dites-moi ce que dois je faire, s’il faut que je vende ma maison pour l’aider à guérir et mener une vie normale.» Une phrase qui sonne encore dans les oreilles de ce professeur qui, aujourd’hui, diagnostique plus de 1800 cas venus de toutes les régions du pays.
Si en 2004, l’Algérie se limitait à diagnostiquer quatre pathologies rares, aujourd’hui nous sommes à 16. Une avancée, selon le Pr Immesoudène. Mais, depuis 2014, ce spécialiste qui a mis 15 ans pour mettre en place un matériel sophistiqué n’est plus dans ce service. Il ne suit plus cette démarche, mais il n’abandonne toujours pas. Aujourd’hui, il est chef de service du laboratoire de biologie de l’établissement hospitalier de Ben Aknoun.
Seul souhait : réaliser son projet pour mettre en place un autre laboratoire pour diagnostic de maladies rares. Selon ses premières estimations, il coûte 8 milliards de centimes. Autre souhait, et démarche entamée en faveur de ces enfants : un centre médico-psycho-pédagogique El Moustakbel. Hier, lors de la journée d’étude organisée, à Alger, par cette association, un appel aux hommes d’affaires et aux sponsors a été lancé pour récolter les moyens nécessaires afin de réaliser le projet.
Le Pr Immesoudène évoque, aussi, la nécessité de mettre en place un centre de référence qui regroupera toutes les compétences cliniques et biologiques. «C’est ainsi qu’on pourra avancer dans ce domaine. Il est nécessaire aussi que la génétique soit une spécialité dans les études de médecine», précise Belaid Immesoudène. «J’ai l’impression que l’Etat n’a pas encore l’intention de prendre en charge ces enfants. Nous n’avons même pas un centre de référence», dénonce le président de l’association El Moustakbel.
Référence
L’association Moustakbel, dont le siège à Ain Benian, est ouverte à tous les enfants ayant une maladie rare. Mais elle est aussi accessible aux autistes. Car, selon son président, Moutchou, aussi père de Hsisine, cela demande la même prise en charge thérapeutique. «Nous avons des méthodes différentes. Nous les prenons au cas par cas. Aucun cas ne ressemble à l’autre», explique-t-il. Il était presque 11 heures lorsque nous sommes arrivés au siège de l’association. Les psychologues, les orthophonistes et les éducateurs, étaient tous en place. Les enfants malades étaient, eux, en classe.
La matinée est réservée aux plus petits et l’après-midi, les cours sont dispensés aux enfants âgés de plus de 6 ans. Une fois par semaine, un déjeuner est organisé pour l’ensemble des enfants, une manière de les habituer à la communauté, mais surtout à se comporter correctement à table et apprendre de nouveaux gestes. Pour Mouloud, si aujourd’hui son fils Hsisine s’exprime et comprend, c’est grâce à une prise en charge précoce et aussi à sa prise de conscience et celle de la maman.
Les parents ? Le président d’El Moustaqbel, qui remet en cause la volonté de l’Etat d’aider ces enfants en sus d’une absence de démarche nette et précise, n’insiste pas moins sur le rôle des parents. Il déclare sans ambages : «Si certains enfants, qui ont des besoins spécifiques, trouvent encore des difficultés à répondre à certaines prises en charge, c’est à cause de l’irresponsabilité des parents.» Autrement dit, le maillon fort de toute démarche est particulièrement les parents. «Pourquoi l’association n’est pas ouverte les week-ends ?
Moi, je ne trouve pas où mettre mon fils pendant le week-end»? Une question à laquelle le président de l’association ne trouve pas réponse. «C’est insensé qu’une maman réfléchisse de cette manière», répond-il. Conseils : certains parents ne doivent pas seulement courir derrière le matériel. Un enfant à besoin spécifique a besoin de sacrifice de ses parents. Autre détail : attention, l’association avertit les parents des effets néfastes des nouvelles technologies et des jeux électroniques. On ignore encore si ces moyens sont le facteur déclencheur ou c’est la cause. La TV est à bannir ! insiste encore Mouloud Moutchou