Une équipe française détaille ce 2 mars ses premiers résultats relatifs à un traitement de la drépanocytose par thérapie génique. Quinze mois après l'insertion d'un gène correcteur dans les cellules souches productrices de cellules sanguines, le patient ne présente plus les symptômes de la maladie.
Début décembre 2016, une équipe internationale présentait lors d’un congrès d’hématologie les premiers résultats – extrêmement encourageants – d’une thérapie génique de la drépanocytose chez sept patients. Moins de trois mois plus tard, une équipe française publie les premiers résultats détaillés d’un essai clinique analogue, réalisé sur un adolescent à l’Hôpital Necker à Paris.
La drépanocytose est la première maladie génétique en France. Elle est due à la mutation d'un gène qui provoque une altération de l'hémoglobine, la protéine chargée de transporter l'oxygène dans le sang. Dans cette maladie, les globules rouges ont une forme anormale : au lieu d'être circulaires, ils ont l'apparence d'une faucille (d’où l’autre nom de la maladie, l’anémie à cellules falciformes)
À cause de cette forme, ces globules peuvent obstruer les petits vaisseaux sanguins (les capillaires) et favoriser la survenue d'accidents vasculaires cérébraux ou d'accidents pulmonaires. Ils sont aussi très fragiles avec une durée de vie d'une dizaine de jours contre 120 jours en temps normal. Les symptômes les plus fréquents sont des douleurs dans les os et les articulations, l'anémie, une augmentation du risque d'infection et un retard de croissance. Jusqu’à présent, la greffe de cellules souches (à partir de la moelle ou du sang de cordon) était le seul traitement curatif de la drépanocytose. En France, seuls une vingtaine de malades ont pu en bénéficier avec une guérison totale dans 90% des cas.
La production d'hémoglobine normale fait disparaître les symptômes
L’essai clinique français, coordonné par le Pr Marina Cavazzana – également impliquée dans les recherches présentées à San Diego fin 2016 – s’est déroulé en plusieurs phases. À l’automne 2014, les médecins ont prélevé dans la moelle osseuse d’un adolescent de 13 ans des cellules souches hématopoïétiques (à l’origine de la production de toutes les lignées de cellules sanguines). Ces cellules ont été mises en présence d’un lentivirus [1] modifié pour injecter dans l’ADN un gène (déjà mis au point pour traiter la ß-thalassémie). Les cellules traitées ont ensuite été réinjectées au patient par voie veineuse.
"Quinze mois après la greffe des cellules corrigées, le patient n’a plus besoin d’être transfusé, ne souffre plus de crises vaso-occlusives, et a complètement repris ses activités physiques et scolaires", détaillent l’AP-HP, l’Institut Imagine et le CEA dans un communiqué commun. Le Pr Philippe Leboulch – promoteur de l’essai au travers de son entreprise de biotechnologies, Bluebird bio – ajoute que " l’expression de la protéine thérapeutique provenant du [virus], hautement inhibitrice de la falciformation pathologique, est remarquablement élevée et efficace."
Les données publiées dans le New England Journal of Medicine ce 2 mars incorporent des informations encourageantes quant à la sécurité et la tolérance de la thérapie. Les chercheurs soulignent qu’un suivi plus long reste nécessaire pour confirmer que son efficacité et sa sûreté se prolongent dans le temps.